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Bonne année, ami lecteur ! Et à ce propos… Sacrifions à l’exercice de divination sur ce que le whisky nous réserve en 2019, sans boule de cristal et en sachant que dans cette industrie qui planifie ses stocks à la décennie, les tendances ne se déclarent ni ne s’éteignent en une année : elles se confirment, décollent ou s’atténuent tout au plus.

1- Les whiskies vont continuer à rajeunir

On en a pris l’habitude avec l’arrivée massive des NAS, consécutive à l’envolée de la demande et à la tension sur les stocks de vieux whiskies : les single malts rajeunissent. La tendance se poursuit mais, désormais, les étiquettes osent l’afficher. Massivement. La mention “10 ans” est devenue le nouveau 12 ans, le marqueur de la maturité : Arran, Benromach, Edradour, Deveron, Talisker, Highland Park, Laphroaig, Aberlour & co démarrent leurs comptes d’âge à la décennie. Peut-on descendre encore ? L’enthousiasme qui a accueilli le Lagavulin 8 ans, d’abord sorti en édition limitée, laisse penser que Talisker empruntera la même voie. Chez Octomore, la plupart des ogives détonent à 5 ans – et nul ne songerait à s’en plaindre. Et dans les micro-distilleries, 5 ans marque souvent la limite maximum. La vraie nouveauté ? Les négociants leur emboîtent le pas, et les embouteillages indépendants de 5 à 10 ans vont devenir légion – à des prix qui laissent parfois songeurs (95€ le Bunna 5 ans chez Hidden Spirits, ne l’avalez pas de travers).

2- Où sont passés les whiskies du monde ?

Il y a encore quelques années, les amateurs frissonnaient à la nouvelle du moindre whisky produit ailleurs qu’en Ecosse-Irlande-USA. Un malt suédois ? Gallois ? Italien ? Tasmanien ? Indien ? Quelle aventure ! L’excitation est semble-t-il retombée, alors que paradoxalement la mappemonde du malt ne cesse de s’étendre – jusqu’en Finlande, en Islande, en Pologne, en Israël dernièrement… A l’exception notable du Japon, devenu une catégorie à lui seul désormais, et peut-être des single malts indiens voués à l’exportation, les “whiskies du monde” se sont repliés essentiellement sur leurs marchés régionaux et ne créent plus le buzz hors de leurs frontières. Ce qui explique que vous craquiez plus souvent pour un flacon de whisky français.

3- Le terroir, appeau ou pipeau ?

Je vous fais grâce du débat sur l’opportunité de parler de terroir dans les spiritueux (partie remise). Mais il n’empêche. A la suite de quelques pionniers (Bruichladdich, les Hautes-Glaces…), les producteurs sont de plus nombreux à explorer les notions de territoire, de culture, d’environnement dans ce qu’elles peuvent apporter à l’identité et au goût d’un whisky. Les amateurs, en demande de transparence, de proximité et d’expériences gustatives, les y encouragent, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Selon cette logique, la céréale est appelée à prendre une place prépondérante dans les discussions – il va falloir se faire à l’idée : le bois, c’est très 2018. J’ai d’ailleurs pris plaisir à lire récemment l’interview d’un directeur de production écossais qui vantait les propriété gustatives des différentes variétés d’orge, le même qui il y a 5 ans m’affirmait dans le blanc des yeux que seul le rendement alcoolique comptait dans le choix d’une céréale. Bonne nouvelle, de nouveaux champs (sic) s’ouvrent.

4- Les millennials, encore un effort !

Les “millennials” se montrent moins enclins à chatouiller les bouteilles que leurs aînés, qui eux-mêmes avaient décidé de boire “moins mais mieux”. Pouvoir d’achat en berne, attrait pour la botanique récréative, évolution des goûts ? Les géants de l’alcool cherchent à percer le mystère et à enrayer la débandade grâce à une formule magique qui tient en un mot : “digital” (un conseil, les amis : supprimez les mots entre guillemets de vos argumentaires). Autant dire que la partie n’est pas gagnée pour 2019.

5- Les distilleries, nouveaux parcs d’attraction

Le tourisme du whisky explose, partout dans le monde. L’Ecosse a enregistré en 2018 sa meilleure année : les distilleries y ont vu passer 1,9 million de visiteurs, dépensant en moyenne plus de 60£. Mais ce n’est que le début d’une déferlante. Quasiment toutes les distilleries nées récemment se sont conçues autour de l’accueil au tourisme, devenu une source de revenus majeure. Cotswolds, Lindores Abbey, Annandale, Eden Mill ou Ballindalloch avaient ouvert leurs portes (parfois leur boutique et leur café-restaurant) avant même d’embouteiller leur premier whisky. Le géant Diageo vient de budgéter 150 millions de livres investis sur 3 ans pour rénover les “visitors’ centres” d’une partie de ses distilleries et construire à Edimbourg une expérience dédiée à Johnnie Walker. Et si en France Armorik se fait ripoliner la façade et construire une très chic boutique-musée-espace dégustation, ce n’est pas pour faire joli sur les photos. Enfin, si, mais pas que.

6- Un peu de vert dans nos verres

Energivore, aquavore, agrivore, le whisky est une industrie vorace qui depuis quelques années multiplie les efforts louables pour corriger ce travers. Les premières mesures de recyclage et d’économies énergétiques visaient plutôt à faire baisser les factures, et à se mettre en conformité avec la loi. Mais les producteurs s’engagent désormais de façon plus active dans une démarche de développement durable. L’époque l’exige, les consommateurs se montrent très sensible à la question, et les distilleries ont tout à y gagner en termes d’image. Cette préoccupation s’annonce comme un enjeu majeur de R& D. On y reviendra.

7- La France pourrait céder sa place de fan n°1 du scotch

Il y a quelques années déjà que les Français ne sont plus les plus gros consommateurs de whisky au monde, comme on continue pourtant à le lire ici où là. Mais ils restaient les premiers buveurs de scotch, en volume du moins (178 millions de bouteilles évaporées en 2017) – en valeur, les Américains sont déjà passés loin devant nous (922 millions de livres contre 433). Les chiffres consolidés de 2018 (attendus en février) vont-ils confirmer ce qui se murmure : les Etats-Unis seraient devenus les premiers importateurs de scotch ? Perso, je tablerais plutôt sur 2020, mais les paris sont ouverts. Ami amateur, la quille est dans votre camp.

Par Christine Lambert

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