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Le nouveau blend de Suntory, bien que suivant la longue tradition des whiskies nippons, n’a pas été créé pour la dégustation pure, mais pour savourer du bon temps en long drink. Et en parlant de temps…

Des céréales, des levures, de l’eau, du bois. Et du temps. Tels sont les ingrédients dont on fait le whisky presque partout dans le monde, à quelques variantes près. Une liste d’une telle évidence qu’on en oublie volontiers à quel point l’insaisissable cinquième élément vient compliquer cette mécanique à la trompeuse simplicité. Le temps. En japonais, toki.

Des céréales, des levures, de l’eau, du bois. Si ces matières premières laissent peu de place à l’interprétation, il n’en va pas de même du temps, concept dont la plasticité éminemment culturelle ne saurait se résumer en heures, en années, en siècles. Pas seulement du moins. Et le dernier-né de la maison Suntory, établie en 1923 comme le rappelle une discrète mention sur l’étiquette, vient interroger ce rapport au temps qui nous place sur une ligne ou un cercle à distance de l’histoire, du passé, et de l’avenir, du futur. Toki est un blend, un assemblage de whiskies de malt sortis des alambics des distilleries Yamazaki et Hakushu, et de whiskies de maïs produits en système multicolonne à Chita. Il vient souligner les paradoxes d’une culture qui voue la plus extrême révérence à ses traditions, à ses ancêtres, et nourrit tout autant la plus grande fascination envers la nouveauté, la modernité, au point de les fondre en permanence dans un tout.

Au Japon comme en Écosse, le whisky “moderne” est né avec les blends, mais quand le scotch semble avoir renoncé à projeter ces assemblages dans le futur, l’Archipel continue inlassablement à les travailler, à les polir, à faire évoluer cette tradition dans le temps et à cause du temps. Car si le temps philosophique se veut infini, le temps concret vient à manquer. Au Japon, ce n’est un secret pour personne, les stocks de single malts sont au plus bas, asséchés par une demande mondiale dont l’hystérie semble ne jamais devoir se calmer. Certes, le marché intérieur absorbe quantité de blends à peine vieillis (il n’existe pas de durée de maturation minimum pour le whisky dans la réglementation nipponne), mais les produits destinés à l’export auront passé plus de trois ans sous bois, et parfois bien au-delà. Ce temps, cette durée, impossible de les compresser. Alors pourquoi ne pas convaincre les amateurs de consommer le whisky différemment, en embrassant toute sa jeunesse ?

Toki va donc tenter d’amener les Occidentaux vers un rituel de dégustation typiquement japonais : le highball, ce drink rafraîchissant qui connut son heure de gloire dans les années 50 – grâce soit rendue à Suntory qui le ressuscite depuis quelques années aux yeux d’une nouvelle génération de consommateurs. Posé sur glace et recouvert d’eau gazeuse, adroitement mélangé d’un coup de cuillère de bas en haut, ce blend jeune et croquant, où Chita tient le premier rôle, se mue en cocktail climatisant d’une extrême finesse, prêt à accompagner les soirées d’été y compris pendant les repas, à la japonaise. Convertir les amateurs de whisky du monde entier à la joie du highball n’est qu’une question de temps.

Par Christine Lambert

Suntori Toki (70 cl, 43%) : env. 34 €

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