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La nouvelle édition limitée sortie pour l’Ardbeg Day déplie les chaises longues sur les plages des Caraïbes avec un finish en fûts de rhum qui épouse en douceur la tourbe.

Chaque printemps dès que la fin mai s’avance, le Feis Isle aimante comme de la limaille les adorateurs de malt sur l’île d’Islay. Les fidèles se pressent en d’interminables files d’attente devant les chapelles du whisky dans l’espoir d’empocher les précieuses éditions spéciales vendues exclusivement sur place, celles que beaucoup culbuteront aux enchères en ligne dès le lendemain. Que voulez-vous, les deniers du culte ne finissent pas toujours dans le panier à quête. Mais au cours de ces huit jours de pèlerinage annuel, une seule église s’offrira le luxe d’une communion mondiale : Ardbeg, la plus syncrétique de toutes.

Car depuis 2012, la distillerie a décrété sans consulter les oracles que le dernier jour du festival marquerait l’Ardbeg Day, une journée internationale qui aurait dû rejoindre le calendrier des grandes causes, à en croire la frénésie qui l’entoure. Partout dans le monde en cette occasion, on célèbre le Jour d’Ardbeg et la série limitée lâchée en cet honneur avec la régularité d’un pentamètre iambique. Après Day, Ardbog, Auriverdes, Perpetuum, Dark Cove, Kelpie et Grooves, préparez-vous donc à accueillir Drum (46%, 105€), la 8e cuvée de l’Ardbeg Day, annoncée avec fracas pour le 1er juin.

 

On ne va pas se mentir, le systématisme de l’événement et la mécanique marketing trop bien huilée ont fini par défriser le poil des amateurs les plus hardcore mieux qu’un lissage brésilien. Pour autant, “il est comment le nouvel Ardbeg ?” est la question qui tout le mois de juin suivra à la trace quiconque écrit sur le whisky. J’ai tenté de m’y soustraire une ou deux années de suite, vous avez failli porter plainte pour maltraitance ; ce ne sont pas des manières.

L’une de ses voisines sur la côte de Kildalton a bâti toute sa com’ sur l’amour-haine qu’on porte à ses whiskies, mais en réalité aucune distillerie ne suscite autant qu’Ardbeg ces réactions extrêmes, cet engouement à fleur de peau (je vous l’ai raconté ici). “L’un des single malts les plus intenses d’Islay”, écrivait Michael Jackson dans son World Guide to Whisky en 1987, “moins connu que ses voisins [Lagavulin et Laphroaig] et pas toujours très facile à trouver”. Ce que 30 années peuvent changer… Les happy few vouaient pourtant un culte à ce jus puissamment tourbé, capable de passer du médiocre au sublime plus vite que la tempête ne succède au ciel bleu dans les Hébrides.

La remise sur les rails de la distillerie, à la fin des années 1990, va donc s’accompagner d’une coutume habile : celle de lancer régulièrement des éditions limitées foldingues qui rappelleront les montagnes russes du passé – tout en ratissant les poches des collectionneurs (ils aiment ça). Editions limitées Feis Isle, éditions limitées Committee, éditions limitées Ardbig ou Ardbeg Day, éditions limitées tout court, il y a toujours un nouvel Ardbeg.

 

Alors, “il est comment le nouvel Ardbeg ?” Sur l’échelle du disruptif, il ne tape pas un score énorme – mais c’est de saison. Drum reprend à peu de chose près la base du fantastique Ten, mais a passé ses deux dernières années en fûts de rhum, un style de finish qui connaît son petit moment dans le whisky (chez Glenfiddich, Balvenie, Ballechin, chez Kilchoman, BenRiach, etc).

Laissez-le bien reposer dans le verre pour sentir les fruits tropicaux et les raisins séchés sultanine du spiritueux de canne se fondre à la cendre, s’imprégner de suie, étreindre la résine de pin caressée de lavande qu’exprime le whisky tourbé. En bouche, l’animal ronronne sur du velours. Des agrumes se posent sur les brochettes de fruits (ananas, bananes) à peine caramélisées, des grains de café pulvérisés, une giclée de poivre et de gingembre, et toujours cette impression de lécher la cheminée une fois le feu éteint. Jamais le rhum ne vient saucer le whisky, et la tourbe contient le côté doucereux propre à ce type d’affinage tout en gardant du jus sous le pied. Mais le tranchant sec du Ten disparaît, avis aux amateurs.

 

La présentation en avant-première s’est déroulée à la table de , un bar à rhum caribéen de la rive gauche parisienne. Avec des food pairings très créatifs qui seront de nouveau proposés lors de l’Ardbeg Day. Entre nous, le filet de mulet cru simplement mariné 20 mn dans le Drum acidifié d’un filet de citron vert puis posé sur un taboulé de quinoa vaut le déplacement à lui seul. Le whisky accompagne tout aussi bien le chiktay de poulet boucané, les boudins noirs pimentés, et flambe avec bonheur l’ananas frais. Sinon, pour 45 €, l’Ardbeg Ten est de ces malts indispensables qui vous font croire à tous les possibles – l’un de ceux dont, personnellement, je remplace la bouteille avant d’en voir le fond. Et si vous voulez tout savoir, une nouvelle référence dotée d’un compte d’âge va bientôt rejoindre la gamme permanente. Mais chut, je ne vous ai rien dit.

 

Par Christine Lambert

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